Alors que les inspecteurs généraux missionnés concluaient bien à un climat d’homophobie, de sexisme et d’autoritarisme dans l’établissement catholique, leur rapport a été modifié dans la dernière ligne droite, sans qu’ils en soient avisés. Nos révélations.
Comment faire dire à un rapport l’inverse de ce qu’il constate ? En changeant ses conclusions. C’est ce qui s’est passé concernant l’établissement scolaire Stanislas, institution privée catholique parisienne.
Alors que Stanislas est visé par plusieurs enquêtes de presse accablantes, l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR) diligente une enquête au sein de l’établissement en 2023. L’IGÉSR est alors dirigée par Caroline Pascal, devenue depuis directrice générale de l’enseignement scolaire, soit numéro deux du ministère de l’éducation.
Ce rapport, tenu secret mais que Mediapart révèle en 2024, dresse un constat sévère sur l’ambiance qui règne à Stanislas, même si ses conclusions s’avèrent bien prudentes : « Au terme de la mission, l’équipe ne confirme pas les faits d’homophobie, de sexisme, et d’autoritarisme mis en avant par les articles de presse. » C’est également la conclusion qui figure dans la courte lettre de mission accompagnant le rapport, envoyée, comme le veut l’usage, au ministre de l’époque, Gabriel Attal.
Caroline Pascal, directrice générale de l’enseignement scolaire (à droite), lors dune table ronde au Sénat le 15 janvier 2025.
Selon des informations obtenues par Mediapart, les conclusions initiales du rapport ont été trafiquées pour édulcorer l’ensemble, dans le dos des inspecteurs généraux chargés de l’enquête et de la rédaction du document. Dans un courrier que nous avons pu consulter, l’un·e de ces inspecteurs et inspectrices explique avoir ainsi découvert un projet de lettre de mission « expurgé d’un paragraphe conclusif lourd de sens et de conséquences, dédouanant le collège Stanislas », paragraphe que les inspecteurs et inspectrices n’auraient « jamais validé car il règne bien à Stanislas un climat homophobe, sexiste et autoritaire ».
En clair, tous les éléments pointant ce climat n’apparaissent plus explicitement dans le rapport et surtout disparaissent des conclusions.
Une pratique manifestement inédite, au regard du fonctionnement de l’IGÉSR, très clair dans ses statuts sur l’indépendance des inspecteurs vis-à-vis de leur hiérarchie : « [Les inspecteurs généraux] rendent compte de leurs missions par des rapports qu’ils signent », explique le décret encadrant leur travail. Ces amendements correspondent-ils à une consigne de la haute hiérarchie de l’inspection générale et dans quel but ? Interrogée par Mediapart sur ces modifications de dernière minute, la patronne de l’IGÉSR de l’époque, Caroline Pascal, n’a pas répondu à nos questions.
Les versions définitive de cette lettre et du rapport, tous deux modifiés, ont été envoyées en août 2023 à Gabriel Attal et à sa directrice de cabinet, toujours sans que l’ensemble des inspectrices et inspecteurs généraux en soient avisé·es. « En raison des relations de confiance qui prévalent entre inspecteurs généraux composant une équipe de mission, aucun de nous […] n’a songé une seconde à vérifier la concordance entre les deux versions. Et nous n’avons pas été informés [...] de ce changement de rédaction », explique le courrier.
Stanislas blanchi
Ce sont pourtant bien ces conclusions du rapport et spécifiquement cette lettre qui seront ensuite utilisées sans relâche par le diocèse de Paris, la direction de l’enseignement catholique, Caroline Pascal et la ministre de l’éducation d’alors Amélie Oudéa-Castéra pour blanchir Stanislas. L’affaire étant entre-temps devenue explosive, après la révélation par Mediapart que la ministre de l’éducation, Amélie Oudéa-Castéra, y scolarisait ses propres enfants.
Ce paragraphe conclusif est par exemple cité abondamment par le directeur de Stanislas lui-même, sur les plateaux de télévision. Invité sur BFMTV le 21 janvier 2024, Frédéric Gautier a même dégainé en direct à l’antenne le document, censé le laver de tout soupçon. « Peut-être que c’est une forme de scoop parce qu’on n’en parle pas beaucoup. Je suis heureux d’apporter un scoop à BFMTV, lâche alors le directeur, pas peu fier de son coup. À l’issue de cette enquête, il y a un courrier du ministère de l’éducation nationale signé de Madame la cheffe d’inspection générale qui dit : “À l’issue de l’enquête, les accusations de Mediapart de sexisme, d’homophobie et d’autoritarisme ne sont pas retenues par les inspecteurs.” »
Le directeur Frédéric Gautier sur BFMTV s’appuyant sur les fausses conclusions du rapport.
Amélie Oudéa-Castéra aussi y est allée à l’époque de son refrain : « Je précise que ce rapport ne remonte aucun fait d’homophobie ni aucun cas de harcèlement », assurait la 17 janvier la ministre, précisant cependant auprès de France Info qui l’interrogeait ne pas avoir lu le rapport en entier mais « une courte synthèse ».
La cheffe de l’inspection générale Caroline Pascal (nommée à la tête de l’IGÉSR par le ministre Jean-Michel Blanquer, lui-même un ancien de « Stan ») ne s’est pas tenue éloignée des médias dans ce contexte inflammable. Quelques heures avant que le directeur Frédéric Gautier ne débute sa série d’interviews dominicales, Caroline Pascal accordait un entretien au Journal du dimanche (JDD), hebdomadaire du milliardaire ultraconservateur Vincent Bolloré, sans en avoir préalablement averti le ministère.
« Je me suis contentée de défendre le travail de l’inspection sur deux points : le rapport d’inspection n’avait pas à être rendu public en vertu du CRPA [Code des relations entre le public et l’administration – ndlr], et l’agent qui l’a fait fuiter a commis une faute déontologique », justifie-t-elle à Mediapart le 21 janvier 2024. Dans son article, Le JDD assène que la mission d’inspection aurait dédouané la gouvernance actuelle du lycée des dysfonctionnements constatés.
Puis, interrogé dans une émission de France 2 sur le sujet Stanislas, Caroline Pascal réitère, citant presque mot pour mot les conclusions de la lettre et du rapport révisées dans la dernière ligne droite : « Dans l’ensemble de ces témoignages, nous n’avons extrait aucun élément caractérisé qui permettait de dire que l’établissement avait un comportement homophobe, sexiste ou autoritaire. »
Avant de poursuivre : « Nous n’avons eu aucun témoignage d’élèves nous disant qu’ils avaient été eux-mêmes stigmatisés ou victimes d’homophobie. Nous avons eu des témoignages d’élèves qui nous disaient qu’ils connaissaient des élèves qui, dans l’établissement, étaient homosexuels et qui ne s’en plaignaient pas. »
Les inspecteurs généraux ont entendu une centaine de témoins, ils n’ont pas repéré d’homophobie systémique.
Caroline Pascal, ancienne patronne de l’IGÉSR, devant la commission d’enquête
L’ancienne cheffe de l’IGÉSR tient mordicus à sa version : si dérives individuelles il y a eu, elles sont anciennes et ne doivent en rien conduire à plus de sanctions vis-à-vis de l’établissement, ni surtout remettre en cause du contrat d’association qui le lie à l’État. Problème : les nombreux témoignages recueillis par les inspecteurs et inspectrices dénonçant l’homophobie, le sexisme ou le racisme au sein de l’établissement ont été expurgés du rapport et ne sont visibles qu’en annexes, jamais citées par l’ex-patronne de l’inspection.
Enfin, questionnée sur le décalage, déjà, entre les procès-verbaux d’auditions des élèves de Stanislas interrogés à l’occasion de l’enquête de l’IGÉSR et le résultat final, à l’occasion de la commission d’enquête parlementaire sur les violences éducatives, Caroline Pascal s’est déchargée de toute responsabilité, renvoyant à… l’indépendance sacrée des inspectrices et inspecteurs généraux (nous publions des extraits de ces PV dans les annexes de cet article).
« Les inspecteurs généraux ont entendu une centaine de témoins, ils n’ont pas repéré d’homophobie systémique, a déclaré sous serment Caroline Pascal, le 1er avril 2025. Les nombreux témoignages ne les mentionnaient pas. Je le regrette si les élèves n’ont pas osé dire aux inspecteurs généraux ce qu’ils ont dit aux journalistes. » Puis : « Les inspecteurs sont libres, leur analyse est qu’il n’y avait pas à Stanislas d’homophobie institutionnelle. »
L’actuelle patronne de l’IGÉSR, Dominique Marchand, nommée en février 2025, a elle aussi été auditionnée par la commission d’enquête parlementaire, obtenue après qu’a éclaté l’affaire Bétharram. Sollicitée par les député·es, elle a détaillé tout le parcours classique d’un rapport de l’inspection générale, à savoir d’abord une lettre de saisine du ministre concerné, puis la formation d’une équipe d’inspecteurs, le choix d’un relecteur et d’un référent de la mission, pour s’assurer d’un haut niveau de qualité, d’impartialité et de collégialité.
Dominique Marchand a, à cette occasion, également rappelé le rôle qui est le sien, celui de cheffe de l’IGÉSR, qui se « borne à transmettre » le rapport une fois finalisé. « Son rôle n’est pas d’intervenir sur le rapport lui-même, jamais. Si le chef de service n’est pas en accord, il peut le signaler [au ministre – ndlr] dans un courrier séparé. Et s’il ne souhaite pas le remettre, il doit s’en remettre à une commission pour le justifier. Cela témoigne de l’indépendance des inspecteurs généraux, qui sont missionnés et signent sous leur responsabilité. »
Alertée par l’une des inspectrices de l’époque, la commission d’enquête parlementaire annonce ce mardi programmer de nouvelles auditions. « J’ai reçu un courrier d’une inspectrice de ce rapport qui nous apporte les éléments qui nous poussent à auditionner le corps d’inspection », a déclaré la présidente de la commission Fatiha Keloua-Hachi. On a des éléments qui prouvent que le rapport a été édulcoré. » Et d’ajouter : « Nous pourrons réentendre Caroline Pascal, car nous avons des éléments qui prouvent qu’elle n’a pas tout dit. »
L'IA donne de fausses informations dans 60 % des cas
Et certains voudraient jeter des classes entières dans cette escroquerie ?
Il existe une fâcheuse tendance à penser l’animation comme une activité dépolitisée (cf Histoire de la dépolitisation de l’animation socioculturelle). Si on considère que l’animation a un lien avec l’éducation populaire, alors on ne peut s’en satisfaire. Mais au-delà de dénoncer et éventuellement politiser ses propres pratiques, comment agir ?
Les formations initiales à l’animation sont le plus souvent totalement dépolitisées, et beaucoup d’animateurices pensent qu’être « professionnel·le » revient à être « neutre ».
« Animons ! Avec joie et ambition » regorge de ressources intellectuelles, théoriques et pratiques pour voir et pratiquer autrement le métier d’animateurice : pour se donner les moyens de l’exercer avec une visée sociale de dévoilement/conscientisation des dominations et des inégalités et d’accroissement des capacités démocratiques individuelles et collectives.
Une infographie par mois pour comprendre, simplifier et transmettre une initiative qui tend vers un monde plus humain et écologique.
Le 28 septembre dernier, Gabriel Attal annonçait l’instauration d’un stage obligatoire pour les élèves de seconde. Syndicats et associations dénoncent une mesure contre-productive, entre imposition du SNU (Service national universel) et pénalisation des élèves les plus précaires.
Quelle surprise (non.)
"Les regroupements permanents tels que les classes de niveau sont inefficaces", atteste une note (PDF) de 2023 du programme IDEE (Innovations, données et expérimentations en éducation). En plus de se sentir stigmatisés, les élèves du groupe le moins performant sont, souvent, moins stimulés par leurs professeurs que s'ils étaient mélangés aux autres. "Il existe un effet caméléon un peu pervers : l'enseignant finit par baisser ses attentes vis-à-vis des élèves faibles, s'adressant à eux par rapport à leur niveau tel qu'il est", relève Patrick Rayou, professeur de sciences de l'éducation à l'université Paris 8.
C'est vrai qu'il faut du savoir pour faire bien. C'est pour ça qu'il est bon de savoir que faire des classes de niveau comme le propose #Attal est absurde (et c'est largement documenté)
L’intégration des technologies de l’information et de la communication (TIC) en éducation a engendré des espoirs infondés et donné lieu à certaines innovations technologiques sans fondement pédagogique. Si certains usages pédagogiques des TIC permettent un apprentissage amélioré par la technologie (Laferrière et al, 2014), d’autres placent la personne apprenante dans une situation de consommation passive ou guère interactive. Dans cet article, nous analysons les limites des approches techno-centrées dans le processus d’intégration des TIC et introduisons une démarche réflexive basée sur une approche qui vise l’amélioration des apprentissages.
Voilà ! le livre co-réalisé par un ami et 3 de ses collègues et illustré par Lise Desportes
"Une autre école est possible"
sur les écoles du 3ème type (pédagogie Bernard Collot, largement inspiré de la pédagogie d'Élise et Célestin Freinet) va bientôt sortir !
Apprendre en coopérant, entre enfants de différents âges, sans posture de domination, c'est possible. Cyriaque et ses collègues vous expliqueront tout dans ce manuel illustré !
(Bon, après, c'est sûr, on est un peu loin de la vision de l'école portée par #Macron et #Attal ...)
Plutôt que d'amalgamer tout un tas de solutions techniques portant atteinte à la vie privée, de solutions de censure, de blocages qui ne toucheront de toute façon que les sites les plus visibles, ne serait-il pas plus intelligent d'offrir une réelle éducation sexuelle à ces jeunes plutôt que les laisser découvrir ces aspects via des intermédiaires que l'on sait néfastes ?
Alors, oui, pondre des outils, mettre en place des murs et ficher tout le monde est tellement plus facile que d'éduquer, informer, discuter autour de ce qui reste, finalement un tabou : le sexe.
Les méthodes de recrutement dans l'#ÉducationNationale.
On va pas se mentir, ça se voit que nos dirigeant⋅e⋅s ont pour but de détruire l'école publique et gratuite ?
Très intéressant article sur l'éducation au numérique avec un début de réflexion sur qui éduque-t-on, et à quel numérique, pourquoi... et pour quoi ?
Un ami participe à l'écriture d'une BD sur ses pratiques pédagogiques dans le cadre d'une "école du 3ème type" (basée sur les préceptes de Bernard Collot).
Les co-auteurs et l'illustratrice partagent les planches au fur et à mesure de l'avancée du livre
À déguster sans attendre :)
Non, ce n'est pas de la science-fiction, ce n'est pas Equilibrium ou Brave New World...
C'est aujourd'hui, chez nous. Et ça parle de Ritaline, d'Adderall et de pauvres enfants qui ont le tort d'être vivant ...
Blanquer ferme les yeux sur tous les problèmes de l'éducation nationale exacerbés par cette crise du #coronavirus ...
Les auteurs de cette tribune s’inquiètent des « risques d’une accélération de l’intrusion numérique dans nos vies, dont l’école offre un observatoire édifiant ». Plutôt que soutenir les industriels du numérique éducatif, il s’agirait de « défendre le service public, seul vecteur de l’égalité émancipatrice hors de la sphère marchande ».