Et c'est Benjamin Bayart qui vous explique pourquoi :
Une tendance de fond dans l'usage des outils numériques dans l'administration, et c'est insupportable, de mon point de vue.
J'essaye de vous raconter ça de manière un peu développée...
Tweet de @emile_marzolf : L'application mobile “e-carte Vitale” est enfin disponible pour les assurés de 8 départements. Une expérimentation qui permettra notamment de tester l’efficacité et la fiabilité de la reconnaissance faciale, utilisée pour l’activation de l’application.
- Ça marche mal, et c'est l'usager qui trinque. Tous ces outils sont plus ou moins bancals, fonctionnent un peu mais pas beaucoup, et l'usager est toujours tout seul face aux bugs de l'outil choisi par l'administration.
Par exemple, dans les outils de ce type-là, récemment "Ah oui, vous êtes sur MachinPhone, le navigateur X fait planter notre logiciel, utilisez le navigateur Y". Et on a cette réponse après plein d'essais, du stress, et une démarche administrative en souffrance...
- Ça pose l'usager en individu louche et suspect, qui doit prouver a priori qu'il n'est pas un fraudeur. Il est donc par défaut coupable de fraude, jusqu'à preuve du contraire, le moyen de preuve étant choisi par une solution technique mal fiable.
Par principe, c'est embêtant. Normalement, le plus souvent, on est considéré comme innocent, jusqu'à ce qu'un accusateur ait pu prouver ses accusations. Mais l'administration française tant de plus en plus à supposer que l'usager est l'ennemi et qu'il doit prouver sa bonne foi.
- Ça injecte des données personnelles inutiles à un endroit où ça n'a aucun sens. Ce qui intéresse la Sécu, c'est de savoir si je suis bien l'individu qui se fait rembourser tels soins, et qui cotise de telle façon à tel endroit.
Savoir quelle tête j'ai, comment je taille ma barbe, si même j'en porte une, la couleur de mes yeux, rient de tout ça ne les concerne. Au nom de quoi auraient-ils une photo de ma gueule dans leurs fichiers ?
Mais, pour pouvoir faire la reconnaissance faciale-machin-truc de l'appli à la con, il leur faut beaucoup plus d'informations sur moi, informations qui sont mal pertinentes. Et on rend ça de plus en plus fréquent, fichant les gens, et leur demandant de prouver.
Je dois prouver que je suis moi, alors que ça devrait être à la Sécu de prouver que le suis un usurpateur, si elle m'en accuse. Et pour ce faire, je dois leur livrer des données biométriques (ma gueule) qui ne leur servent à rien normalement.
Le tout forme un régime paranoïaque (tout le monde est coupable de fraude jusqu'à avoir prouvé par un moyen technique aberrant que ce n'est pas le cas), et très excluant (fracture numérique, version de logiciel, compréhension des questions posées, jargon technodébile)
On est à l'endroit même où le numérique asservi les gens au lieu de les émanciper. Le but du numérique ici est que l'administration puisse nous gérer comme autant de problèmes que nous sommes, et non nous rendre service. Tous les rapports sont inversés.
L'outil numérique ici est, en bonne partie, au service de la paranoïa d'une administration devenue folle avec des visées "totalitaires" (au sens: tu dois prouver ton innocence, face à une accusation systématique, c'est une approche de "control freak" comme disent les anglais).
Oh, bien entendu, l'outil rend quelques services à l'usager (sans quoi, il serait très peu adopté, sauf contrainte impérative). Mais il transporte avec lui une vision du monde qui est très mauvaise. Et les gens qui ont développé ça se pensent des bienfaiteurs.
(juste à lire, c'est tout :p)
Le seul média auquel je sois abonné depuis des années, ce serait une grande perte dans le landerneau politico-économico-informatico-législatif.
Alors, si vous êtes dans une structure en capacité de soutenir NextInpact via du mécénat défiscalisable, c'est maintenant ou jamais !
Très intéressant article sur l'éducation au numérique avec un début de réflexion sur qui éduque-t-on, et à quel numérique, pourquoi... et pour quoi ?
Les auteurs de cette tribune s’inquiètent des « risques d’une accélération de l’intrusion numérique dans nos vies, dont l’école offre un observatoire édifiant ». Plutôt que soutenir les industriels du numérique éducatif, il s’agirait de « défendre le service public, seul vecteur de l’égalité émancipatrice hors de la sphère marchande ».